En 1957 François Maspero ouvre, au 40 de la rue Saint-Séverin au cœur du Quartier Latin parisien, la librairie La Joie de Lire. « Librairie scientifique & amusante » c’est ainsi que Fred Kupferman sous-titre le dessin d’une jaquette distribuée aux clients. 


         La librairie sera un lieu de rencontre des opposants à la guerre d’Algérie, l’espace de distribution des livres et revues interdits. Confrontée aux plastiquages de l’OAS (Organisation Armée Secrète) elle sera défendue par des « clients militants ». 


    Sa grande originalité était de présenter dans ses rayons le spectre complet des espoirs et des théories révolutionnaires d’alors, dans toute leur diversité, à côté d’une riche collection de littérature, de poésie et d’art, ainsi qu’une grande collection de sciences humaines et de documents politiques consacrés à l’actualité. Elle anticipa l’immense succès des rayons d’épistémologie, de marxisme ou d’esthétique qui fleurirent dans la première moitié des années 1970. Au sous-sol, il y avait une collection de périodiques unique en France (plus de quatre cents titres au catalogue en 1970) 


Après 1968 La Joie de Lire doit faire face à un péril redoutable et inattendu : le « vol révolutionnaire », pratiqué en particulier par les situationnistes qui accusent François Maspero d’être « un commerçant de la révolution ». Ces vols seront une des causes de la fermeture de la librairie en 1974. Lorsque la FNAC ouvre ses portes en 1974, La Joie de Lire est la plus importante librairie parisienne.  Après les vols de certains groupes gauchistes, c’est l’extrême droite, qui attaquera la librairie à sept reprises entre septembre 1969 et mai 1970.


François Maspero : « Quand je me suis fait libraire, j’ai habité ma librairie comme on habite une halte de passage pour migrateurs... Passages parfois hasardeux et pas toujours non plus d’amitié. Il y a des mauvais livres, médiocres et tristes qui tombent là comme des vilains corbeaux. Et l’on ne sait jamais d’avance si l’individu qui entre dans la boutique ne sera pas, lui aussi, un oiseau de mauvais augure. »



la librairie “la joie de lire”
Le monde avait rendez-vous rue Saint-Séverin...

     François Maspero est né le 19 janvier 1932. Son enfance est prise dans la tourmente de la seconde guerre mondiale. Sa famille a payé un lourd tribut, son frère a été tué au combat, ses parents déportés. Sa mère reviendra du camp de Ravensbrück, son père mourra au camp de Buchenwald.


1955, à 22 ans François Maspero ouvre sa première librairie:  À l’escalier, rue Monsieur Le Prince dans le 5e arrondissement de Paris.


1958, ouverture de la librairie La Joie de Lire au 40 de la rue Saint-Séverin. En même temps il travaille à la création de la maison d’édition, rejoignant ainsi la grande tradition des libraires-éditeurs.


1959, parution du premier livre des éditions dans la collection Cahiers Libres : La guerre d'Espagne de Pietro Nenni.


Ce titre de collection, est inspiré de Charles Péguy et des Cahiers de la Quinzaine. François Maspero fera sienne la phrase de présentation des Cahiers « Ces cahiers auront contre eux les salauds de tous les partis ».

François maspero et les paysages humains

Photographies tirées du film de Chris Marker

Mots ont un sens (Les)

Un film de 1970 • France • Documentaire • 20 mn • Noir & Blanc • 16 mm • Mode de production : Cinéma • VF

pour trouver ce film :

Producteur :

ISKRA "http://autourdu1ermai.fr/fiches/prod/fiche-prod-6.html"

18 rue Henri Barbusse
BP 24 94111 Arcueil CEDEX
téléphone : 01 41 24 02 20
fax : 01 41 24 07 77
mail :
iskra@iskra.fr

Photographies tirées des archives privées de François Maspero

© François Maspero

Conception graphique : Nathalie Peyrard Léger

© aplusduntitreéditions

     De 1959 à 1961 François Maspero assure seul la vie de la maison d’édition du graphisme à la correction des épreuves. À l’automne 1961 entrent dans la maison d’édition, Jean-Philippe Bernigaud et Fanchita Gonzales Batlle, rejoints par Émile Copfermann en 1965. Avec les directeurs de collection et quelques auteurs, ils ont construit cette formidable boîte à outils que furent les éditions : Robert Paris, Jean-Pierre Vernant, Pierre Vidal-Naquet, Charles Bettelheim, Yves Lacoste, Albert Memmi, Georges Haupt, Roger Gentis, Yves Benot, Maxime Rodinson, Louis Althusser, Maurice Godelier, Christian Baudelot, Régis Debray, Pierre Jalée, Taos Amrouche, Nazim Hikmet, Tahar Ben Jelloun ; une liste impressionnante d’intellectuels, d’écrivains, de poètes…


    À travers plus de 30 collections, les éditions ont publié 1350 titres et créé 8 revues, véritables marqueurs d’un travail collectif.


    En 1982 François Maspero quitte la maison d’édition qu’il a créée avec l’ambition de « rendre compte pour les années de liberté qui me restaient, de paysages humains au plus près de moi et au plus loin, ceux du présent et aussi ceux du passé toujours mêlés pour qui essaye de regarder… Les éditions que j’avais faites continuent sous un autre nom (La Découverte). De ce point de vue tout est en ordre, mon départ n’a  lésé ni les livres ni les auteurs. Ni même pour les finances, puisque j’ai laissé mes parts pour le franc symbolique, et que m’étant licencié tout seul je n’ai touché aucune indemnité. »


    En 1984 les éditions du Seuil éditent son premier ouvrage Le sourire du chat. Par delà son travail d’écrivain, François Maspero deviendra chroniqueur du temps présent à France Culture, la Quinzaine littéraire, Le Monde, et traduira plus de 75 romans et ouvrages de poésie.


    ” […] Les Éditions Maspero, précisément parce qu’elles n’obéissaient aux ordres de personne, se sont fait coller des étiquettes par ceux qui trouvaient leur liberté suspecte. Traîtres au communisme pour les uns, trotskistes pour les proChinois et inversement, marchands de la révolution pour les situationnistes, ou platement tiers-mondistes. Toutes ces étiquettes sont aussi fausses que réductrices. La seule qui conviendrait, mais elle n’est pas idéologique, serait dérangeante.” Fanchita Gonzales Batle (entretien dans La Femelle du Requin)



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